Les bouddhas, les bodhisattvas et moi, nous sommes de la même famille(2)

■ Le bouddha vivant Lian-sheng, Sheng-yen Lu

■ Discours abstrus sur la délivrance « Pointer du doigt la Lune »

■ Traduit du chinois par Sandrine Fang 

■ Copyright © Sheng-yen Lu ©2017, Éditions Darong

 

Ce pratiquant au lotus avait adoré de son vivant des films classés X. Après sa mort, il n’avait pas changé ce penchant. L’image de l’accouplement de l’homme et de la femme lui dilatait l’esprit, son âme raisonnable et son âme sensitive étaient complètement emportées par cette vision. Même lorsque son maître vénérable se montra devant lui pour le sauver, il le brava, il fuit çà et là et prétendit s’introduire par la porte placentaire. Il faut savoir que la fascination de l’entrée par la porte placentaire ressemble à un instant joyeux : après un petit moment de frôlement, après quelques secondes de jouissance, c’est alors la réincarnation, c’est la transmigration par les Six Voies du samsâra.

Je m’écriai :

— N’entrez pas par la porte placentaire !

Il hurla :

— Je veux mourir de jouissance, je préfère mourir sous les roses, même si je deviens un spectre galant !

— Les roses sont épineuses !

— Je ne peux pas retenir tant de choses !

Je l’exhortai à réfléchir :

— Quel est l’objectif de votre pratique de la perfection ? Il devint perplexe.

Je continuai :

— Le dharma tantrique du Vrai Bouddha est le yoga. Celui-ci a un côté subtil, sa pratique est notamment centrée sur la concentration de l’esprit en un point. Celui qui est capable de contrôler son cœur est un saint ; celui qui ne le peut pas est un homme du commun. Si vous avez pratiqué le yoga pendant un bon moment et avec effort, vous devriez comprendre que l’objectif de la prise de refuge, le but de la pratique du dharma et l’achèvement du yoga, qui ne se différencient pas toujours l’un de l’autre, consistent à se délivrer de l’entrave qui est le cycle des existences. Vous voulez la délivrance, n’est-ce pas ?

Bien que ce pratiquant au lotus prît refuge dans le bouddhisme et pratiquât le dharma de son vivant, il n’en avait pas acquis de correspondance ; même si je le lui expliquais en détail, il hochait toujours la tête.

Je lui demandai :

— Qu’est-ce que la droite sagesse ?

— Je ne sais pas.

— Quel est le mantra des Quatre Refuges[1] ?

 

— Je ne me souviens plus.

— Quel est le mantra du gourou-racine ?

— Je l’ai oublié.

— Quel est le mantra de la déité d’élection ?

Comme s’il était ivre, complètement soûl, il me renvoya la question :

— Qu’est-ce que la déité d’élection ?

Incontestablement, l’esprit de ce défunt dont l’âme était entrée dans l’état intermédiaire avait l’habitude de sa vie antérieure. Il n’y a pas beaucoup de monde qui puisse être complètement purifié et lucide. Même s’il avait déjà pris refuge dans le bouddhisme et aussi pratiqué quelque peu le dharma, il n’avait pourtant pas obtenu la force de correspondance du yoga. D’ailleurs, puisque les claires lumières de son gourou-racine, de sa déité d’élection et de son protecteur du dharma ne se manifestaient pas, dès que la porte placentaire apparaissait, ses anciennes habitudes exerçaient alors sur lui une influence néfaste, et il voulait donc y pénétrer.

Évidemment, la pratique du dharma tantrique du Vrai Bouddha ne peut être réalisée d’un seul coup. Il faut, pour certains individus, exercer pendant plusieurs vies les pratiques correctes qui s’effectuent avec la droite sagesse, alors ils peuvent seulement entreprendre complètement et purement la pratique de la perfection. Cependant, le secours apporté aux âmes qui se trouvent dans l’état intermédiaire est utile pour réveiller leur droite sagesse, leurs Trois Joyaux, leur gourou-racine, leur déité d’élection, leur protecteur du dharma. Il leur suffit d’être réveillés pour pouvoir être délivrés. Avant la mort, il faut avoir de la droite sagesse ; après la mort, il en faut également, ainsi on pourra demeurer dans la famille des bouddhas et des bodhisattvas.

Ce pratiquant au lotus était déjà entré dans l’illusion. Il ne pourrait plus en sortir. J’éprouvais un sentiment de tristesse !

Il ne pensait avec sa force de vie qu’à s’y engager avec plaisir, et il était inconscient que c’était la bouche d’un serpent venimeux. Dès qu’il s’y serait introduit, il franchirait alors la porte placentaire.

J’ai réveillé le tréfonds de sa conscience (la droite sagesse). Mais je n’arrivais pas à éveiller sa conscience profonde de Tathâgata, la huitième conscience âlaya-vijñâna, qui est le « Vrai Bouddha », la supraconscience, possédant des connaissances dégagées de l’illusion.

 

fin

 

[1] La prise de refuge auprès du gourou-racine, la prise de refuge dans le Bouddha, la prise de refuge dans le dharma, la prise de refuge auprès des saints et des moines bouddhistes.