Je bois du thé à la tête de ginseng
■ Le bouddha vivant Lian-sheng Sheng-yen Lu
■ La Claire Lumière ici et maintenant
Illumination sur le trouble de 'esprit
■ Traduit du chinois par Sandrine Fang
■ Copyright © Sheng-yen Lu ©2015, Éditions Darong
Les bhiksu et les bhiksunī qui entrent en
religion n’ont-ils vraiment pas de désir ?
Comment règlent-ils le problème du plaisir
charnel ?
Le chemin du perfectionnement est dur
et difficile. Dans la religion bouddhique, il y a
une prohibition imposée aux religieux, c’est
l’abstinence du désir. Beaucoup de pratiquants
de la perfection se servent de la
« méthode de la cessation et de la visualisation
» :
− la cessation, c’est l’inhibition ;
− la visualisation, c’est la transformation
raisonnable.
Les pratiques de la « visualisation de
l’ossature blanche », de la « visualisation de
l’impureté », de la « visualisation de la vacuité
» sont toutes des transformations raisonnables.
L’objectif de ces pratiques est
pleinement d’atteindre la réalisation de la
conduite pure d’un esprit résolu.
Depuis vingt ans que je séjourne aux
États-Unis, et ce que je bois habituellement
est du thé à la tête de ginseng. Les bonzes et
les bonzesses du temple Ling Shen Ching
Tze, situé à Seattle, État de Washington,
savent que je ne peux me passer un seul jour
de ce breuvage ; beaucoup de mes élèves
savent que c’est ma boisson préférée. Bien
des disciples qui habitent au loin ont
recherché et acheté dans les herboristeries
chinoises des têtes de ginseng, ils les ont
emballées successivement dans plusieurs sacs
de lin, et les ont envoyées au temple Ling
Shen Ching Tze. La vraie raison était que
moi, le bouddha vivant Lian-sheng, Shengyen
Lu, j’adorais le thé à la tête de ginseng.
Qu’est-ce que le thé à la tête de ginseng ?
Je cite un exemple :
Lian-hua Li-er, responsable de la
succursale Ch’an-kuan, de l’école du Vrai
Bouddha, située en Caroline du Nord,
aux États-Unis, s’est rendue tout spécialement
dans une herboristerie, du quartier
de Chinatown, pour acheter une tête de
ginseng. Elle comptait en faire une décoction
et servir ce thé à son maître
vénérable, alors que j’étais arrivé pour
propager le dharma.
Lian-hua Li-er demanda :
— Je veux acheter une tête de
ginseng !
L’herboriste dit :
— Je n’en vends pas.
— Pourquoi n’en vendez-vous pas
des morceaux ? demanda-t-elle, fort
étonnée.
— Parce que la tête de ginseng est
un produit qui nuit aux gens.
— Nuire aux gens ? Lian-hua Li-er
ne le suivait pas.
L’herboriste répliqua :
— Si vous achetez une tête de
ginseng, si vous en faites une décoction
et que vous la faites boire à votre mari, il
tombera certainement en état d’impuissance.
Le mari devient sexuellement
impuissant, si ce n’est pas une nuisance,
c’est quoi alors ? Donc, la tête de ginseng
ne se vend pas !
— Oh ! bégaya-t-elle à l’instant, sans
savoir quoi dire.
Elle recourut aux adjurations, et elle
réussit finalement à en obtenir un peu et
ainsi à résoudre le problème de la préparation
de ma boisson.
Je dis sincèrement et concrètement
à tout le monde : dans les herboristeries
chinoises, la partie centrale du ginseng
est un produit richement nutritionnel, les
racines sont un produit fortifiant de
nature fraîche. Quant à la tête de ginseng,
les herboristes l’enlèvent, la jettent,
car personne ne la consomme.
Les herboristes estiment que la
raison pour laquelle on ne se sert pas de
tête de ginseng, c’est qu’elle est un
aliment de nature extrêmement froide,
négatif et que sa consommation peut
occasionner la flaccidité. Cela conduit
non seulement à l’impuissance sexuelle,
mais il se peut même que l’organe génital
se réduise à une petite taille, toute petite
comme celle d’un haricot ou d’une
cacahuète.
Pour avoir voulu acheter une tête
de ginseng, Lian-hua Li-er avait été
réprimandée sur-le-champ par un herboriste
qui croyait qu’elle voulait nuire à
son mari. Voilà ce qui lui était reproché !
Cependant, la tête de ginseng a un
intérêt, c’est que, d’après ce qu’on a dit,
la consommation d’une très petite
quantité permet d’arrêter le saignement
du nez.
Je bois du thé à la tête de ginseng
depuis vingt ans, est-ce que je suis en
état d’impuissance ? Deviens-je petit
comme un haricot ? Je vous laisse deviner
! Ha ! ha !
Je pratique la méditation du Feu
inhabile en vue de transformer le feu de
mon corps entier en feu pur et, en même
temps, de supprimer le feu turbulent
renfermé en mon. Le présumé feu turbulent
représente le tempérament ardent
causé par l’ignorance qui fait que l’on
devient énervé et que l’on s’enflamme
sans raison. Le feu du plaisir sexuel est
compris dans ce feu turbulent et il faut le
supprimer complètement. Si je bois du
thé à la tête de ginseng, c’est justement
parce que cette chose de nature froide et
négative est en mesure de neutraliser le
feu de tout mon corps !
Les contemporains ignorent
l’importance de la modération du désir
charnel, bien des gens prennent même à
corps perdu une sorte de petite pilule
bleue nommée Viagra. À ce qu’on
prétend, le Viagra est le médicament le
plus vendu au monde, un objet de
prédilection des contemporains.
À l’époque où le genre humain
prend du Viagra, je suis la seule personne
qui consomme de la tête du ginseng.
Je m’aperçois soudain que je
m’écarte de plus en plus du monde, ce
n’est pas une simple distance séparée,
mais une course dans la direction opposée.
À l’égard du goût, je n’ai pas les
mauvaises inclinations du monde, et le
genre humain ne suit pas mes passions.
Les gens prennent le Viagra, je bois du
thé à la tête de ginseng. Au fond, qu’estce
qui est le meilleur ?
Bien ! Bien !