Prier pour avoir un enfant(2)
Elle continua :
— Il y a un collègue du même village
que moi, que j’ai rencontré quand j’étais étudiante,
nous nous entendons très bien l’un
l’autre et notre relation a dépassé l’amitié
ordinaire. J’ai souhaité me marier plus
tard avec lui, et mon petit ami a aussi fait le
serment qu’il ne prendra pas une autre
épouse que moi. Je pleurais aujourd’hui, car
les événements en ont décidé autrement.
Ayant entendu ses propos, le coeur de
Chou Yi eut de la compassion pour elle. Il
prit alors sur-le-champ une décision : rendre
la fille à son père sans réclamer le remboursement
de la somme d’argent matrimoniale.
Cette nuit-là, la fille dormit dans le lit, et lui,
il se coucha sur un sofa.
Le lendemain, ses parents et son épouse
s’enquirent de ce qui s’était passé. Chou Yi
leur expliqua le motif originel de cette affaire.
Évidemment, son père, sa mère et son
épouse ne purent rien contre.
*
Plus tard, Chou Yi fit un rêve, et il me le
relata.
— J’ai vu un palais céleste, extraordinairement
splendide et dont tous les édifices à
plusieurs étages réfléchissaient la lumière.
Les environs étaient extrêmement plats et le
sol était couvert de sable doré. Il y avait deux
enfants qui jouaient devant le palais. Soudain,
le bodhisattva Avalokitésvara se manifesta.
Il était majestueusement orné de joyaux
innombrables, il était entouré de parfums
d’encens infinis et répandait une
lumière pure comme celle de la lune. Ces
deux enfants se pâmaient de joie en voyant
l’arrivée du bodhisattva. Le premier lui prit la
main gauche et l’autre la main droite, et tous
les deux descendirent du ciel en marchant
avec le bodhisattva… Voilà mon rêve, et je me
suis alors réveillé.
Je supputai ce rêve et mon coeur jubila
énormément.
Je lui dis :
— Vous avez laissé partir la fille, il n’est
plus à craindre que vous n’aurez pas d’enfant.
Je continuai :
— Un emprunt de progéniture a déjà
apparu sur votre visage, c’est le grand signe
d’un heureux événement.
Chou Yi protesta :
— Ça fait déjà de nombreuses années
que nous n’arrivons pas à concevoir un enfant,
la pensée illusoire ainsi que le rêve chimérique
sont-ils réalisables ?
Je répondis :
— C’est réalisable cette fois !
Plus tard, son épouse qui n’avait jamais
eu de grossesse après de longues années de
mariage tomba enceinte, et, à la veille de son
accouchement, elle rêva également du bodhisattva
Avalokitésvara qui arrivait en tenant à
chaque main un enfant. En conséquence,
deux jumeaux furent mis au monde.
Lors de leur naissance, ces deux enfants
avaient fait le mudrâ du Ciel de Sakra-devânâm-
indra.
*
Pour moi, c’est un tort d’acheter une fille
pour en faire une concubine. Bien qu’il y ait
un commerce et de l’argent en jeu, il semble
que mesurer la situation est requis par la
raison. Si on revient en arrière pour réfléchir
à l’union d’un homme et d’une femme, on
comprend certainement que, malgré sa pauvreté,
elle souhaite tout de même se marier
avec celui qu’elle aime. Si on la force à devenir
une concubine, cela s’oppose évidemment
à son voeu originel.
Ce qui est encore le plus méprisable, c’est
quand un homme très âgé prend pour épouse
une très jeune femme ; comme on le dit en
argot taïwanais : « Le vieux boeuf broute l’herbage
nouvellement poussé ; une fleur fraîche
est plantée dans les crottes de boeuf. » Il arrive
parfois que certaines jeunes concubines
soient, entre autres, maltraitées par l’épouse
principale, et il se trouve souvent qu’elles se
nourrissent d’exécration et de rancune et cherchent
tristement à trouver la mort.
Ce genre de chose infortunée existe depuis
l’Antiquité jusqu’à aujourd’hui. Celles
qui ont subi un tel sort sont vraiment pitoyables.
Il existe des gens qui se marient avec
trois, quatre ou plusieurs femmes pour la
raison qu’ils n’ont pas de fils, mais leur
nombre n’est pas considérable. Pourtant, des
hommes riches ne peuvent contrôler leurs
désirs sexuels, lesquels les poussent à agir
ainsi. Quant à la relation entre l’épouse et les
concubines, ce ne sont qu’insultes, outrages,
disputes, rivalités, et les affaires secrètes de la
famille sont déshonorantes, sales et difficiles
à dissimuler ; ce malheur n’est pas arrivé
qu’une seule fois. Si on n’est pas à bout de
ressources, on ne doit absolument pas créer
une telle situation conditionnant le malheur !
Réfléchissez un peu à ceci :
Les seigneurs du temps passé avaient
épousé beaucoup de femmes. Où sont-ils
alors aujourd’hui ?
Les gens riches du temps actuel ont vécu
avec beaucoup de femmes. Leur postérité
est ruinée pourtant !
Ah ! il faut avoir de la prudence.
Le genre humain, chaque fois qu’un malheur
lui arrive, dit alors que c’est le destin.
En fait, il faut penser à ce qu’on a fait dans
cette vie présente, notamment au malheur
généré par le désir sexuel, dont les sanctions
arrivent particulièrement vite. Si on subit
aujourd’hui un malheur, on devrait se reprocher
sévèrement puis se corriger de ses
fautes et s’amender. Seuls ceux qui se modèrent
dans les plaisirs de la sexualité peuvent
transformer leur malheur en bonheur, et le
Ciel leur fera descendre la bonne fortune.
(fin)