Lecture complète du Tripitaka
Le bouddha vivant Lian-sheng, Sheng-yen Lu
Discours abstrus sur la délivrance
« Pointer du doigt la Lune »
Traduit du chinois par Sandrine Fang
Copyright © Sheng-yen Lu ©2017, Éditions Darong
Lorsque j’entreprends une lecture du
livre canonique bouddhique, je ne le lis pas à
toute vitesse, seulement un petit chapitre par
jour, à l’heure régulière et dans un endroit
fixé. Je ne ressemble pas à certains individus
qui ont de grandes ambitions dans leur coeur,
c’est-à-dire qu’ils entrent dans la montagne,
se retirent en s’isolant complètement afin de
se livrer à la lecture du Tripitaka, et seulement
après avoir lu l’intégralité de celui-ci, ils
sortent de leur retraite et descendent de la
montagne.
Il y avait un individu s’appelant Sung
Ching-lien. Quand il était né, un phénomène
étrange s’était manifesté :
Sa mère rêva d’un moine bouddhiste qui
tenait dans sa main un Avatamsaka-Sûtra
(« Sûtra de la guirlande de fleurs »). Il dit à sa
mère :
— J’emprunte temporairement l’une de
vos pièces pour finir ma lecture.
Le moine lui dit aussi :
— Je suis le maître de contemplation
Yen-shou du temple Yung-ming.
Sung Ching-lien eut une conversation
incroyable avec le maître de contemplation
Yüan-ch’ang.
Il eut aussi une conversation incroyable
avec le maître de contemplation Shih-ch’i.
Sung Ching-lien estimait que le Lankâvatâra-
sûtra (« Sûtra de la descente à Lanka ») était un
sûtra qui présente le coeur de Bodhidharma.
Sung Ching-lien comprenait en profondeur
tous les sûtra et les commentaires du
sûtra.
Pour le maître de contemplation Tuanwên
du temple Kaiyuan de la ville de Suzhou,
Sung Ching-lien avait gravé à nouveau
le Traité du protecteur du dharma et y avait écrit
une prose rimée à la prosodie.
Sung Ching-lien parlait du Ciel avec le
maître de contemplation Shu-chung Wu-yü.
Sung Ching-lien avait fini à la troisième
fois sa lecture du Tripitaka dans la montagne
Ch’inglo.
Un jour, ce grand homme lettré qui
comprenait à fond les Trois Religions1 vint
rendre visite au révérend maître Lu.
Sung demanda :
— Révérend maître Lu, avez-vous lu
l’intégralité du Tripitaka ?
Je ne répondis pas, mais lui renvoyai la
question :
— En avez-vous fini la lecture ?
Sung répondit :
— Je l’ai lu trois fois.
Je l’interrogeai :
— L’avez-vous lu avec vos yeux ?
Il répondit :
— Bien sûr, avec mes yeux. Les oreilles
sont-elles utiles à la lecture ?
Je demandai :
— Qu’avez-vous vu ?
Il répondit :
— J’ai vu Sung Ching-lien !
Sung Ching-lien et moi éclatâmes de
rire.
Il me montra une stance :
J’ai une affinité prédestinée avec le maître,
Il n’y a pas d’aller ni de venir dans la
lumière de prajñâ.
En voyant aujourd’hui le portrait mortuaire,
J’ai soudain compris que les trois phases
d’existence ressemblent à l’illusion.
La rencontre au Pic du Vautour est
comme présente,
Je souhaite prouver le Grand Achèvement
qui est la Réalité absolue.
Cette stance était une oeuvre que Sung
Ching-lien avait composée avec émotion. Il
se considérait comme la réincarnation du
maître de contemplation Yen-shou du
temple Yung-ming.
À cette vision, je lançai un sourire.
Je dis :
— J’ai aussi une stance. La voici :
Étant déjà venu, il faut encore revenir,
Étant déjà revenu, c’est la venue et
encore la venue.
(C’est la publicité du magasin « Lait de
Soja Lai-lai ».)
Sung Ching-lien me demanda :
— Quelle est votre opinion sur ma
stance ?
Je répondis :
— Cette stance est ordinaire.
Sung demanda :
— Pourquoi est-elle ordinaire ?
Je répondis :
— Je vais réécrire cette stance et vous la
montrai !
J’écrivis ainsi :
Moi et le maître, le maître et moi, qui fait
des salutations à qui ?
La naissance et les sensations éprouvées
sont illusoires, il n’y avait pas de cérémonie
religieuse dans la montagne des
Vautours, je souhaite prouver la mani.
Je lui posai cette question :
— Vous, Sung Ching-lien, que souhaitez-
vous prouver ? Répondez vite ! Répondez
vite !
Sung Ching-lien saisit soudain quelque
chose :
« Yen-shou du temple Yung-ming, Sung
Ching-lien, le révérend maître Lu. »