Qui est Yelü Chucai ?
Le bouddha vivant Lian-sheng, Sheng-yen Lu
■ Discours abstrus sur la délivrance
« Pointer du doigt la Lune »
■ Traduit du chinois par Sandrine Fang
■ Copyright © Sheng-yen Lu ©2017, Éditions Darong
Yelü Chucai1 était un Mongol, du tribut
Khitan, un homme d’État de la dynastie
Yuan. Il était aimé par Ögödei, empereur
Tai Zong des Yuan, ce dernier avait
confiance en lui.
Yelü Chucai était un bouddhiste. Quand
il séjournait à Yan-jing2, il avait pris l’Homme
éminent Wan-sung comme maître spirituel,
c’est la raison pour laquelle il observait les
Cinq Préceptes3.
Il pratiquait l’abstinence de la tuerie —
T’ai-tsu de la dynastie Yuan4 envoya son
général en mission à l’ouest ; pour cette
expédition, il avait convoqué les moines de
Wutai Shan à s’engager dans l’armée.
Yelü Chucai dit à l’empereur T’ai-tsu des
Yuan :
— L’enseignement du bouddha
Sâkyamuni prêche l’abstinence de la tuerie, il
existe même le précepte de ne pas arracher
les herbes fraîches pour montrer aux gens
que tous les êtres sont égaux. Si un moine ne
respecte pas le précepte, il n’obéit
certainement pas à son empereur, il ne faut
donc pas convoquer les moines.
L’empereur T’ai-tsu des Yuan donna alors
l’ordre que les moines ne devraient pas servir
dans l’armée.
Yelü Chucai pratiquait l’abstinence de
mener une vie sexuelle dissolue —
L’empereur T’ai-tsu des Yuan avait au début
vingt-huit concubines impériales de rang
élevé. Ayant accepté le conseil d’un officier
attaché au service souverain, il faisait entrer
dans le palais cent belles femmes.
Yelü Chucai dit :
— C’est bien suffisant d’avoir vingt-huit
belles femmes ! Choisir cent belles femmes
chaque année est effectivement une politique
qui tyrannisera le peuple, qui détruira l’image
de l’empereur. Celui qui est lascif meurt prématurément.
Il faut arrêter cette affaire.
L’empereur T’ai-tsu des Yuan avait écouté
son exhortation.
Yelü Chucai pratiquait aussi l’abstinence
de l’alcool —
L’empereur T’ai-tsu des Yuan aimait boire,
il s’adonnait encore plus terriblement à l’al-cool
à l’âge avancé, il n’arrêtait pas de boire du
vin tous les jours avec ses ministres jus-qu’à
atteindre l’ivresse.
Un jour, Yelü Chucai prit par la bouche
de fer d’une cuve à vin et dit un mot :
— C’est le fer. Il macère dans du vin, il
est déjà déformé et altéré. Si le fer est
devenu ainsi, serait-il possible que les cinq
organes et les six entrailles ne s’avarient pas ?
L’empereur, vous pouvez même le
remarquer, combien de ministres ont-ils
perdu leur vie à cause de l’alcool ? Combien
de personnes ont-elles résisté à l’empereur à
cause de l’alcool ? Comment l’empereur ne
pourrait-il pas s’abstenir de vin ?
L’empereur T’ai-tsu des Yuan suivait le
conseil de Yelü Chucai.
En ce qui concerne le vol et le
mensonge, Yelü Chucai expliqua ainsi :
— Pour civiliser le peuple, il faut les
enseigner : ne pas tuer, ne pas voler, ne pas
dé-baucher, ne pas mentir, ne pas
consommer de l’alcool, on pourra ainsi
gouverner le pays et établir l’ordre dans
l’Empire. C’est par le précepte de la causalité
que l’on réforme les moeurs. Pour changer
les comportements du peuple, on se sert de
la compassion, de l’éco-nomie et de la Voie
de la nature de Lao Tzu. C’est par les devoirs
appliqués entre le prince et le ministre, entre
le père et le fils, entre l’époux et l’épouse,
entre les maîtres et les amis que l’on
transforme son corps. Ainsi, la nation pourra
être gouvernée.
Voici l’art de gouvernance de Yelü
Chucai :
« Délibérer les rites et la musique ;
encourager l’agriculture et la sériciculture ;
réprimer la nonchalance et la paresse, édifier
des temples ; fonder des écoles ; établir le
système des examens ; promouvoir les lettrés
qui vivent retirés ; rendre visite aux ministres
du règne précédent ; honorer les gens
vertueux qui sont recommandés pour un
poste du pays ; chercher les hommes droits et
justes pour être recrutés dans la fonction
publique après un examen gouvernemental ;
diminuer les punitions ; alléger des impôts ;
estimer les réputations et l’intégrité morale ;
réprimander les propos extravagants ;
supprimer le personnel en surnombre ;
dégrader les officiers tyranniques ;
préconiser les devoirs en-vers les parents et
les frères aînés ; secourir les pauvres et les
miséreux… Ainsi, le pays sera en paix et en
prospérité. »
À l’époque, les gens lui donnaient des
louanges :
– préconiser un gouvernement de
bienveillance ;
– dissoudre le gouvernement tyrannique ;
– secourir les pauvres et aider les
miséreux ;
– mener le peuple dans l’opulence.
Bien que Yelü Chucai soit un mongol,
grâce à l’exhortation de l’Homme éminent
Wan-sung, il était devenu un disciple qui vénérait
les Trois Joyaux5.
L’Homme éminent Wan-sung demanda
à Yelü Chucai :
— On est mort si l’on avance, on est
aussi mort si l’on recule ; sans avancer ni reculer,
c’est le pays où il n’y a pas d’ennuis.
Que feriez-vous ?
Yelü Chucai répondit :
— Yan-jing est un endroit de jouissance,
il vaut mieux ne pas y habiter longtemps.
L’Homme éminent Wan-sung demanda
encore :
— Puisqu’il ne vaut pas mieux y habiter
longtemps, où habitez-vous alors ?
Yelü Chucai répondit :
— La lumière de l’éclair et l’étincelle d’un
silex. (Ce propos alarme le ciel et ébranle la
terre.)
Yelü Chucai était le premier ministre, il
est un Padmakumara. Un poème en est la
preuve :
Il partait en expédition militaire à
des milliers de li de distance,
Le sud, le nord, l’est et l’ouest sont
tous la maison ;
Il en arrivait au vide total dans la poitrine,
Il fixait son regard sur son coeur,
celui-ci est bien une fleur de lotus
blanche.
Et :
Oh ! Dès que l’esprit entre dans le
vide, il s’y épanouit,
Le renom et le profit qui sont comme
des nuages flottants sont tout détachés
du coeur ;
Qui peut reconnaître le coeur qui est
parfaitement libéré des illusions,
Une grande fleur de lotus blanche
s’épanouit dans les flammes.
1. 1190-1244.
2. Ancien nom de Pékin.
3. S’abstenir de nuire aux êtres vivants et retirer la vie,
de prendre ce qui n’est pas donné, de mener une vie
sexuelle dissolue, d’user de paroles inutiles, blessantes
ou mensongères, d’ingérer tout produit intoxicant
supprimant la maîtrise de soi (alcool ou drogues).
4. Premier empereur de la dynastie Yuan (1277-1367).
5. Le bouddha, le dharma, la sangha (la communauté
bouddhiste).