L’empereur Xiao-zong de la dynastie Song du Sud 78

■ Le bouddha vivant Lian-sheng, Sheng-yen Lu

■ Discours abstrus sur la délivrance

« Pointer du doigt la Lune »

■ Traduit du chinois par Sandrine Fang

■ Copyright © Sheng-yen Lu ©2017, Éditions Darong

 

L’empereur Hsiao-tsung était le deu-xième empereur de la grande dynastie Song du Sud1. Cet empereur était sur le trône pendant vingt-sept ans. Hsiao-tsung était un homme de lettre, il n’aimait pas la guerre ; durant la période où les dynasties du Sud et du Nord2 s’affrontaient, aucune guerre n’était déclarée. Il s’occupait des malheurs du peuple, préservait la paix, apprenait aussi le dharma du bouddha ; dans l’ensemble, il était un bon empereur.

Quelqu’un me dit :

— L’empereur Hsiao-tsung avait atteint l’Illumination et obtenu le sens mystérieux.

Je dis :

— Ce n’est pas certain.

La personne demanda :

— L’empereur Hsiao-tsung avait suivi l’indication du maître de contemplation Da-hui Tsung-kao, et le maître du rituel Tzu-lin qui séjournait dans la montagne Ling-shan lui avait appris la lecture des textes canoniques ; il avait aussi obtenu les points essentiels du dharma que le maître de contemplation Hsia-t’ang-yüan qui séjournait dans le temple Ling-yin ; il avait demandé le dharma auprès du maître de contemplation Tê-kuang dans le temple de la Gratitude. Comment serait-il possible qu’il ne soit pas homme d’Éveil ?

Je répondis :

— Il n’a pas encore obtenu l’Éveil.

La personne demanda :

— Révérend maître Lu, comment tient-on pour certain que l’empereur Hsiao-tsung n’avait pas obtenu l’Éveil ?

Je répondis :

— Un propos de Hsiao-tsung peut en té-moigner !

 

Hsiao-tsung demanda :

— J’ai alors saisi récemment le sens du dharma de bouddha qui n’a pas beaucoup de semences, en un mot, il suffit de tenir compte de l’absence de mauvaises pensées ; si une mauvaise pensée est formulée, il y aura certai-nement la production et l’annihilation. Je ne sais pas si ce que j’ai dit ainsi est correct ou pas.

Le maître de contemplation Tê-kuang ré-pondit :

— Je reçois avec respect l’instruction impériale, le dharma de bouddha n’a pas beau-coup de semences. De là on voit bien que le coeur de l’empereur est complètement écla-tant ! L’empereur a dit : « En un mot, il suffit de tenir compte de l’absence de mauvaises pensées ; si une mauvaise pensée est formu-lée, il y aura certainement la production et l’annihilation. » C’est tout à fait comme l’idée de l’empereur ! Si l’on peut atteindre l’état où la mauvaise pensée apparaît et disparaît, le Ciel et la Terre apparaîtront exceptionnelle-ment ; si l’on tire parti du nord au sud, de l’est à l’ouest, ce sera alors la réception et l’uti-lisation du samâdhi. Je présente ainsi respec-tueusement mon opinion.

La réponse de ce maître de contempla-tion Tê-kuang refermait beaucoup de flatterie. Il n’avait pas osé lui répondre directement, de trancher le sens d’un seul coup, ce qui faisait que Hsiao-tsung estimait faussement ceci : l’absence de mauvaises pensées, c’est le dhar-ma du bouddha ; l’absence de mauvaises pen-sées, c’est l’obtention de l’Éveil ; l’absence de mauvaises pensées, c’est l’Illumination par-faite et universelle.

Ses propos étaient bien loin du compte ! Ils étaient aux antipodes.

 

Il aurait oublié un propos de Hui-neng, sixième patriarche de l’école du dhyâna :

Les cent soucis et préoccupations ne sont pas arrêtées, la bodhi s’ac-croît encore donc !

Je donne directement l’instruction :

« L’Éveil ou non n’a pas de rapport avec la pensée. Une pensée droite, une mauvaise pensée, elles sont toutes de la pensée. Mais l’absence de la mauvaise pensée, c’est vrai-ment un mensonge inventé par un spectre ! »

L’empereur Hsiao-tsung avait-il atteint l’Illumination et obtenu le sens subtil de l’É-veil ?

Ça ne va pas la tête !

Je trouve qu’un hymne du moine Nan-t’ai était muni d’un sens subtil. Veuillez lire :

Nan-t’ai reste assis tranquillement pendant la durée de consumation d’un bâton d’encens, la concentra-tion est fixée toute la journée et toutes les choses sont oubliées ;

Il ne s’agit pas de calmer le coeur ni d’arrêter la mauvaise pensée, tout peut être discuté en se conformant à l’inaction.

Le moine Nan-t’ai avait déjà clairement indiqué ceci :

« Il ne s’agit pas de calmer le coeur ni d’arrêter la mauvaise pensée » !

(Ce propos est très important.)

L’empereur Hsiao-tsung s’était écarté du droit chemin !

Le maître de contemplation Tê-kuang ne confrontait pas à l’empereur, ni le corrigeait,

 

il ne cherchait, au contraire, qu’à lui plaire. Il pouvait être considéré comme un maître de contemplation qui lèche les bottes d’autrui.

Une stance du maître de contemplation Da-hui Zong-gao3 n’est pas mauvaise :

Une grande racine, un grand réci-pient et une grande force portant la responsabilité d’une grande entre-prise sortent de l’ordinaire ;

Au-dessus d’un petit garçon les in-formations sont communiquées et le monde partout lumineux n’est ni dissimulé ni détruit.

Dans cette stance, que signifie « le monde partout lumineux » ? Ceci est effectivement « génial ».

C’était vrai que l’empereur Hsiao-tsung lisait le Sûtra du diamant et le Sûtra de l’Éveil parfait, malheureusement, il n’en comprenait pas le sens, il les étudiait mais n’avait pas réussi à le saisir, il restait sur « la pensée juste » et « la mauvaise pensée ». Quel ennui avait-il causé ?

L’empereur Hsiao-tsung demanda :

— Je ne comprends pas le sens du « boire d’une seule traite le fleuve de l’Ouest ».

Le maître de contemplation Hsia-t’ang-yüan4 du temple Ling-yin répondit :

— On ne peut pas le comprendre, il n’a pas de sens. Allez directement, et c’est tout !

(Il parlait à tort et à travers.)

Si j’étais sur place, je répondrais :

— Il y a une réponse dans le Sûtra du diamant. Mes saints disciples, venez me don-ner la réponse !