Les causeries de deux spectres

■ Auteur : le bouddha vivant Lian-sheng, Sheng-yen Lu

■ Titre : Discours abstrus sur la délivrance

Sous-titre : « Pointer du doigt la Lune »

■ Traduit du chinois par Sandrine Fang

■ Copyright © Maître Sheng-yen Lu ©2017, Éditions Darong

Les deux spectres dont je vais parler dans ce chapitre « Les causeries de deux spectres » possédaient un petit peu les dis-positions naturelles, on peut donc dire qu’il s’agissait d’une conversation mysté-rieuse de deux spectres.

Le spectre Chia demanda :

— Ici, c’est la maison personnelle du révérend maître Lu, vous, spectre, d’où venez-vous ? N’avez-vous pas peur que le protecteur de diamant vienne vous saisir ?

Le spectre I, sans dire un mot, jeta seulement un coup d’oeil à droite et à gauche.

(« Jeter un coup d’oeil à droite et à gauche », il y a là quelque ressort mys-térieux de l’univers, on ne voit aucun spectre.)

Le spectre Chia demanda :

— Où a eu lieu hier un incendie à cause duquel un spectre carbonisé est ap-paru ?

Le spectre I répondit :

— Je n’avais pas entendu le bruit de la sirène d’un véhicule de pompier.

(Sans même entendre le bruit de la sirène d’un véhicule de pompier, com-ment y aurait-il un spectre carbonisé ? Ce propos est très intéressant !)

Le spectre I répondit par une ques-tion :

— Le révérend maître Lu est-il là ?

Le spectre Chia répondit :

— Qui est le révérend maître Lu ?

Le spectre I dit :

— Vous avez dit tout à l’heure que, ici, c’est la maison personnelle du révé-rend maître Lu.

Le spectre Chia demanda :

— Qu’est-ce que vous voudriez faire quand vous le rencontrerez ?

Le spectre I répondit :

— Si je vois le révérend maître Lu, je me prosternerai devant lui.

Le spectre Chia dit.

— Le révérend maître Lu n’existe pas ! Pourquoi lui rendez-vous hommage ?

Le spectre I répondit :

— J’ai entendu dire qu’il a rencontré le bouddha Sâkyamuni !

Le spectre Chia interrogea :

— La rencontre avec le bouddha Sâ-kyamuni peut-elle être considérée comme une chose fantastique ?

Le spectre I dit :

— Je voudrais lui demander de quoi ils ont parlé tous les deux ?

Le spectre Chia dit :

 

— J’ai entendu ce propos : « Si le dharma du bouddha disparaît, que vaut-il mieux faire ? Le bouddha Sâkyamuni ré-pondit : “Quand y a-t-il le dharma du boud-dha ?” »

(Ce propos est vraiment un point important, car dans l’état où le dharma du bouddha n’existe pas, tous les bouddhas se montrent des pieds à la tête.)

Le spectre I dit :

— Ce n’est que celui-ci !

Le spectre Chia dit :

— Ah, ce n’est que seulement celui-ci qui fait déjà que les gens du commun du monde entier n’arrivent pas, depuis des milliers et des milliers d’années, à le saisir pleinement !

Le spectre I demanda :

— Le révérend maître Lu, où va-t-il ?

Le spectre Chia répondit :

— Il n’est pas venu, comment pour-rait-il partir ?

Le spectre I demanda :

— Comment servir le visiteur ?

Le spectre Chia répondit :

— La galette de Yun-men, le thé de Zhao-zhou0F1.

Le spectre I dit :

1 La galette de Yun-men et le thé de Zhao-zhou sont deux thèmes fréquemment utilisés par l’école du dhyâna pour éclairer l’esprit des disciples.

— Je laisse au révérend maître une stance. La voici : « La neige de Seattle est très belle, elle tombe pêle-mêle comme des feuilles tombées, il n’est pas trop tard à la fin du printemps, je dis merci aux discours abstrus ! »

Le spectre Chia dit :

— Je vous réponds par une stance : « Le discours abstrus du visiteur a déjà fait écho, je ne sais pas avec qui parler de doctrines abstruses et profondes. Le lac et la montagne se trouvent souvent dans le rêve, vous n’allez qu’à dire vous-même, je n’ai qu’à dormir moi-même. »

Le spectre I fit ses adieux et s’en alla.

Je dis :

La plupart des gens ne comprennent pas les discours abstrus de ces deux spectres. Si vous ne les comprenez pas, liez-les encore une fois ; si vous ne les comprenez pas encore, lisez-les alors une troisième fois. Lorsque vous les compre-nez, venez alors voir le révérend maître Lu, et je corroborerai le témoignage que vous êtes un homme éveillé.

Bien des gens ont dit : « Je ne com-prends pas leur conversation ! », ce n’est pas grave, car initialement, je ne la com-prenais pas non plus.