■Le bouddha vivant Lian-sheng    Sheng-yen Lu

■Journal des voyages spirituels

  ~Un autre genre de manifestation du prodige~

■Traduit du chinois par Sandrine Fang

■Copyright © Sheng-yen Lu ©2011, Éditions Darong

 

 Lors d'un voyage spirituel —

Je vis célébrer un office religieux où l'on accueillait un ongle du Bouddha. Les ministres du pays, les personnes importantes de la ville, les moines bouddhistes âgés, les grands maîtres officiants, les bouddhas vivants, les innombrables croyants, tous vénéraient l'ongle du Bouddha.

Des femmes déployèrent leur chevelure pour que l'ongle du Bouddha passe au-dessus.

Certains enlevèrent leurs habits et les parsemèrent de fleurs pour que l'ongle du Bouddha passe au-dessus.

D'autres se prosternaient, le front contre terre, en faisant « pan, pan », pour saluer une centaine de milliers de fois l'ongle du Bouddha.

Effectivement, l'accueil de l'ongle du Bouddha est un grand événement sous le ciel, un événement important pour le pays,la société, la religion et les bouddhistes dévots.

L'ongle du Bouddha circulait partout dans le pays. La foule venait sans interruption pour faire des offrandes et se prosterner devant lui. J'étais très ému de voir cette marée humaine, des êtres vivants, avoir une telle vénération pour la relique du bouddha Sâkyamuni.

Évidemment, j'aperçus aussi des gens qui épiloguaient sur l'authenticité de l'ongle du Bouddha.

Cela me fit penser à une histoire. La voici :

Sous la dynastie Tang (618-907), le maître de discipline Dao-xuan se promenait la nuit dans le monastère Xi-ming et, par imprudence, il trébucha sur une marche.

Quelqu'un soutint Dao-xuan, et ce dernier ne s'était pas blessé.

Une fois debout, Dao-xuan regarda la personne qui le soutenait. C'était un jeune homme.

Dao-xuan demanda :

— Qui êtes-vous ? Pourquoi êtes-vous ici à la moitié de la nuit ?

Le jeune homme répondit :

— Je ne suis pas quelqu'un d'autre, je suis justement le troisième prince Nata, fils du roi céleste Vaisravana. Depuis long-temps, je suis votre protecteur du dharma ; ça fait un bon bout de temps que je vous soutiens !

Le maître de discipline Dao-xuan dit :

— Moi, pauvre moine qui se cultive dans la pratique de la perfection, je n'ose déranger le troisième prince pour rien. L'esprit puissant du prince est aisé ; actuellement, s'est-il produit quelque événement bouddhique au pays de l'Ouest, en Inde ?

Le prince expliqua :

— J'ai une relique de dent du Bouddha, que j'ai préservée depuis très longtemps ; je vais alors l'offrir au maître de discipline Dao-xuan !

(La relique de dent du bouddha Sâkyamuni lui fut offerte par le troisième prince Nata. Les bouddhistes le savent tous. Il faut savoir que le maître de discipline Dao-xuan était le patriarche de l'école du Sud. La discipline monastique fait partie du Tripitaka et débouche sur toutes les écoles bouddhiques. Dao-xuan de l'école du Sud se cultivait en suivant les disciplines Mahiâsakavinaya et les disciplines Dharmaguptavinaya ; il comprenait parfaitement toutes les règles monastiques. Les disciplines Dharmaguptavinaya sont considérées comme celles de l'école de la Discipline.)

Certains individus critiquaient l'authenticité de la relique de dent conservée par le maître de discipline Dao-xuan : ils trouvaient impossible que le troisième prince Nata lui eût offert une dent de Bouddha et doutaient de ce don même.

Cependant, je suis d'avis que les mondains n'auraient pas dû critiquer le maître de discipline Dao-xuan, car :

Après le nirvâna du Bouddha, 

C'était la Loi ressemblante qui demeurait en ce bas monde.

La prospérité de la vinayapitaka①

Ne dépend que des maîtres de discipline.

(Le maître Dao-xuan observait rigoureusement la discipline ; il portait toujours les trois vêtements du bonze, prenait un repas par jour et marchait un bâton à la main ; il ne s'appuyait pas contre le lit quand il était assis ; les puces et les insectes le suivaient en voyage.)

Jadis, quelqu'un me posa une question :

— Parmi les reliques d'ossements, la relique de dent et la relique d'ongle du Bouddha, laquelle est authentique et laquelle est un faux ?

Je répondis :

— Pour l'expliquer, on peut prendre l'exemple du maître de discipline Dao-xuan. Ceux qui y accordent crédit le croient, ceux qui n'y ajoutent pas foi ne le croient pas ; croire ou non dépend complètement de soi-même. L'histoire est vieille de deux mille six cents ans, comment être dans un juste discernement ? Les bouddhistes ne peuvent même pas préciser la date de naissance du bouddha Sâkyamuni. Et en ce qui concerne l'image du Bouddha, il n'y en avait pas d'autre que celle qui était en la possession de Pûrna②, toutes les autres représentations de sa figure sont inventées, sans fondement. En fait, l'authenticité des reliques n'est pas très importante. Pour ma part, j'estime que les reliques d'ossements, de dent et d'ongle du Bouddha ont toutes une valeur commémorative. Ah ! le plus important reste l'enseignement du Bouddha ! Pour la vie, c'est effectivement de la plus grande valeur ! 

 

- à suivre -

 

 

 

 

①La discipline monastique.

②L'un des principaux disciples du Bouddha.