■Le bouddha vivant Lian-sheng    Sheng-yen Lu

■Book 200-L'Éveil parfait et universel

   Une tranche et encore une tranche d'Illumination

   —L'esprit intelligent de la vie—

■Traduit du chinois par Sandrine Fang

■Copyright © Sheng-yen Lu ©2013, Éditions Darong

 

Chuang-tzu était un homme vertueux et cultivé. Un jour, il traversa un cimetière et vit une femme éventer la terre. Chuang-tzu trouva cela étrange.

Il demanda à la femme :

— Pourquoi éventez-vous le tombeau ?

La femme répondit :

— Au moment de sa mort, mon mari a dit que je pourrais me remarier lorsque la terre de son tombeau serait sèche.

À ces propos, Chuang-tzu soupira d'émotion. Il utilisa alors l'art occulte en ordonnant le séchage rapide du tombeau.

La femme lui exprima sa reconnaissance et s'en alla toute joyeusement.

De retour chez lui, Chuang-tzu raconta l'histoire en long et en large à son épouse assez charmante et jolie. Elle fut très en colère à ce récit et dit :

— Cette femme n'est ni chaste ni fidèle, elle est sans pudeur. Vous l'avez pourtant aidée !

Alors naquit l'histoire très célèbre « Chuang-tzu soumit son épouse à l'épreuve », connue aussi sous le nom de « La grande ouverture d'un cercueil ».

Très vite, Chuang-tzu décéda « d'une maladie ».

Son épouse prépara les funérailles.

Chuang-tzu se réincarna en un jeune lettré qui se prétendait un étudiant de Chuang-tzu et qui vint vénérer ce dernier.

L'épouse vécut avec le jeune lettré pendant plusieurs jours, voilà qu'elle tomba amoureuse de lui.

Le lettré était malade, et il avait besoin de manger un cerveau d'homme pour guérir.

L'épouse lui demanda :

— Chuang-tzu vient de décéder, son cerveau est-il utilisable ?

Le lettré répondit :

— Oui.

Finalement, voilà que l'épouse saisit une hache, ouvrit le cercueil de Chuang-tzu et voulut prendre son cerveau pour sauver le lettré.

Alors, Chuang-tzu poussa un soupir et se leva du cercueil.

Le lettré avait déjà disparu.

C'est l'histoire de Chuang-tzu qui avait soumis son épouse à l'épreuve.

Une association d'idées me vient par-là :

– l'épouse ne m'appartient pas toujours ;

– l'argent ne m'appartient pas toujours ;

– les enfants ne m'appartiennent pas toujours ;

– la fonction élevée et grassement rétribuée ne m'appartient pas toujours ;

– tout ce qui est de ce bas monde ne m'appartient pas toujours ;

Voire même :

– la vie ne m'appartient pas toujours ;

– la maison ne m'appartient pas toujours ;

– le terrain ne m'appartient pas toujours ;

– les bijoux ne m'appartiennent pas toujours ;

– la voiture ne m'appartient pas toujours.

En conséquence, Chuang-tzu vertueux et cultivé avait saisi le sens du « il n'y a rien ». Ceux qui ont saisi le sens du « il n'y a rien » ne s'attachent pas au monde matériel. Étant donné que l'attachement n'existe pas, il n'y a donc pas d'ennuis. Il n'y a rien du tout, aucun ennui ne peut ligoter.

J'ai observé ce bas monde.

Ha ! ha ! ha !

Hi ! hi ! hi !

Je passe ma vie en riant aux éclats. J'ai soixante-quatre ans cette année (2008), je voudrais m'attribuer un surnom : « Vieillard Ha Hi » !

Parce que j'ai saisi le sens du « il n'y a rien », je n'ai pas d'ennuis, c'est exactement le Vénérable du Monde tout nu, n'est-ce pas ?

Quelqu'un demanda à un maître zen :

— Qu'est-ce que l'Éveil subit ?

Le maître zen répondit :

— Saisir la non-obtention, arrêter immédiatement l'ennui !

Un autre maître zen dit :

— J'ai vu deux vaches en terre se battre dans la mer, on est sans nouvelles d'elles jusqu'à aujourd'hui.