Prier pour avoir un enfant(1)
■ Le bouddha vivant Lian-sheng, Sheng-yen Lu
■ La Claire Lumière ici et maintenant
Illumination sur le trouble de l'esprit
■ Traduit du chinois par Sandrine Fang
■ Copyright © Sheng-yen Lu ©2015, Éditions Darong
Les époux Chou Yi étaient mariés depuis
de nombreuses années, mais ils restaient
sans enfants. Ils consultaient partout des gynécologues,
ils priaient des déités et des bouddhas
et ils avaient même pris des remèdes de
médecines parallèles, mais il n’y avait toujours
pas de signe que l’épouse soit enceinte.
Les époux Chou Yi, très amoureux l’un
de l’autre, vinrent ensemble consulter leur
sort.
— Est-ce que nous aurons un enfant ?
— Non, répondis-je après avoir pratiqué
la divination.
Ils demandèrent :
— Y a-t-il un remède ?
— Non, répondis-je.
— Alors, nous n’avons plus d’espoir
dans cette vie présente !
— C’est exact.
— Nous avons entendu dire que monsieur
était éminent, tout puissant. Est-ce que
vous pouvez nous aider ? implorèrent-ils
dévotement.
Je dis :
— Il n’y a vraiment aucun moyen !
Les époux Chou Yi me racontèrent leur
histoire : Chou Yi était le fils unique d’un
nabab qui souhaitait seulement qu’ils puissent
mettre au monde un fils apte à perpétuer
la lignée. Maintenant, ils étaient mariés
depuis plusieurs années, et ils n’avaient pas
de fils, ni même de fille.
La pensée de son père n’était pas à la
mode ; les époux Chou Yi, en revanche, ne
s’inquiétaient pas pour cela, ils pensaient que
rester sans enfant n’était pas bien grave. Cependant,
les membres de la famille des générations
précédentes ne partageaient pas la
même idée, ils trouvaient que ce serait une
chose très grave si la postérité s’interrompait
et s’ils étaient de fait raillés par les gens de la
région. Car leur rôle dans la société locale
était considérable et il leur semblait que l’interruption
de la postérité serait un grand péché.
— Le médecin vous a minutieusement
examinée ? demandai-je.
— Tout est normal.
— Et la procréation in vitro ?
— On a échoué !
Je dis :
— J’ai ici un talisman de procréation. Je
me suis déjà enquis auprès des esprits éminents,
et ils ont dit que ce talisman ne vous
apporterait pas d’enfant même si je vous le
donnais. Je suis vraiment désolé !
Les époux s’en allèrent d’un air découragé.
Avant leur départ, je leur donnai un Sûtra
véridique du roi souverain Avalokitésvara et
recommandai :
— Récitez-le mille fois.
— Aurons-nous une progéniture ?
— J’espère qu’il y aura un miracle, dis-je
en partageant leur sentiment de tristesse.
En fait, les époux Chou Yi récitèrent ce
sûtra bien plus de mille fois ; chacun d’eux le
prononça cinq mille fois, ce qui fit au total
dix mille récitations. Pourtant, aucun miracle
ne se produisit.
Moi aussi, je fus découragé. Je sais bien
que le Sûtra véridique du roi souverain Avalokitésvara
est un livre saint très prodigieux, et
que, depuis son apparition sous la dynastie
T’ang (618-907 après Jésus-Christ) jusqu’à
aujourd’hui, beaucoup de prières ont été exaucées.
Mais maintenant, les époux Chou Yi
ayant pleinement fait dix mille fois la récitation,
où était alors le bodhisattva Avalokitésvara
? Évidemment, je fus en colère.
L’esprit de Chou Yi était bien ouvert, et
il dit :
— Maître Lu, veuillez ne pas vous mettre
en colère, veuillez ne pas entrer en mauvaise
humeur. Nous ne pouvons pas reprocher au
bodhisattva Avalokitésvara de n’être pas prodigieux,
parce que notre part de bonheur
allouée par le destin n’est pas suffisante !
La bienveillante épouse de Chou Yi exprima
:
— Nous trouvons que le Sûtra véridique
du roi souverain Avalokitésvara est un bon livre,
sa récitation nous permet d’avoir une tranquillité
du coeur. Nous n’avons pas besoin de
la prière pour nous procurer quoi que ce
soit. Tout dépend de l’affinité prédestinée,
nous ne pouvons que laisser la situation suivre
son cours ! Nous allons continuer à réciter le
sûtra.
*
L’empereur ne court pas au plus pressé,
les eunuques courent en toute hâte. Comment
serait-il possible que leurs parents, évidemment
d’une génération précédente, puissent
endurer la situation ? En fin de compte,
avec leur argent, ceux-ci avaient fait venir de
loin une jeune fille campagnarde et l’avaient
envoyée à Chou Yi pour qu’elle devienne sa
concubine, en espérant qu’elle enfanterait un
fils de lui.
Chou Yi refusa.
Son épouse sage et vertueuse articula :
— L’achat d’une seconde épouse, pour
qu’elle puisse perpétuer la lignée, est un fait
qui existe depuis l’Antiquité. Cela pourrait
réaliser le souhait des parents. On peut essayer
!
Chou Yi s’y opposait avec obstination. Ses
parents et son épouse, eux, étaient d’accord.
Et il finit par s’adoucir !
Le soir où ils furent dans la chambre nuptiale,
Chou Yi regarda attentivement la fille.
D’une beauté pas ordinaire, son visage était
rond et son corps charnu, mais elle n’était
pas corpulente, exactement comme on dit
vulgairement, c’était une femme féconde.
Mais cette fille versait des larmes abondantes
et sanglotait.
Chou Yi l’interrogea :
— Vous sentez-vous victime d’une injustice
!
Elle répondit :
— Je n’ai pas l’audace de dire oui !
— Ce qui veut dire que vous l’êtes. Vous
pouvez tout me raconter, et je vais vous
trouver une solution ! dit Chou Yi très sincèrement.
Ayant constaté l’honnêteté de Chou Yi,
la fille ne lui cacha donc plus la vérité de la
situation. Elle dit :
— Mon père a labouré les champs d’autrui
pendant plusieurs années, la rémunération
de son travail était assez modique, ce qui
nous permettait à peine de vivre. Récemment,
il a été privé d’emploi, il a emprunté
de l’argent à quelqu’un pour débuter un petit
commerce. Celui-ci a échoué, et sa dette est
trop importante pour être remboursée, il
s’est donc résolu à vendre sa propre fille.
(la suite au prochain numéro)